12/10/2018: 8 jours de pluie consécutives, pas d'eau potable ni électricité pendant 3 jours, pas d'internet ! Qu'est-ce que ça fait du bien ...
Me voilà arrivé au village, je vais passer mon stage dans la maison des "guadaparques" : les gardes de la réserve. Ils travaillent ici de manière ponctuelle et ont à leurs dispositions des chambres et un salon agréable. Il y a toujours au moins 1 garde dans la maison. Lorsqu'ils sont ici, ils partent dans la jungle pour traquer les chasseurs et bûcherons illégaux, le pistolet et la machette accrochés à la ceinture.
Je vais donc vivre ici avec eux et les suivre dans leurs randonnées..
Pour cette première semaine, l'ambiance est très calme. A cause de la pluie, les torrents traversant la piste qui rejoint le village se sont transformés en rivières et nous sommes coupés du monde pour une semaine.
Je suis seul avec Emiliano, un garde quasi à la retraite, qui ne peut plus marcher à cause d'un accident. Il s'est fait couper en deux horizontalement au niveau du ventre par un bateau. Il a survécut mais ne peut plus se déplacer beaucoup. Il s'occupe de nettoyer la maison et faire la cuisine : je ne dis pas non ;)
Le reste du temps il doit s'ennuyer pas mal, mais c'est ma vision européenne qui me dit ça, pour lui c'est le bon rythme, le rythme des tropiques..
Vous pourrez bientôt voir cette traversée de rivière mythique dans l'onglet "vidéo"..
" Ne jamais se balader tout seul en forêt, surtout quand il y a beaucoup de pluie"...
Voilà ce que j'ai surement mal compris à mon arrivée au Costa Rica ( sans doute l'espagnol qui n'était pas au point...).
En effet, la jungle est un endroit très dangereux en saison humide. Les sols se gorgent d'eau, or leurs structure étant assez homogène et profonde, les arbres ne tiennent plus avec leurs racines et finissent par chuter. Les branches ou des épiphytes pleines d'eau peuvent aussi tomber. Les glissement de terrain sont très fréquents et ont notamment causés des dégâts sur la piste ( voilà pourquoi nous n'avons pas eu d'eau ni d'électricité).
Mis à part ça, il est déconseillé de se balader tout seul car on peut rencontrer des serpents, des chanchos de monte ( les sangliers que j'étudie et qui n’hésitent pas a venir te croquer si tu ne monte pas dans un arbre ), ou mieux leurs prédateurs: monsieur jaguar ou monsieur puma.
Bref, évidement je suis quand même allé me balader tous les jours car l’inconscience et la curiosité ne font qu'une bouchée de tous ces avertissements, et j'ai vu et entendu des choses magnifiques :
Les oiseaux sont partout, surtout à proximité des villages où il y a beaucoup d'arbres fruitiers.
Dans le coeur de la jungle, c'est une autre ambiance : on n'entend pas les même cris, l'humidité est bien plus importante et il fait globalement très sombre.
Ici on ne part pas se balader sans ses bottes : il faut souvent traverser des rivières, s'enfoncer dans la boue jusqu'au genou et on n'est pas sans risque d'une morsure de serpent..
15/10/2018 : A la rencontre de la communauté :
Je suis quand même venu ici pour rencontrer les habitants du village et discuter avec eux pour comprendre quelle est leur relation avec les chanchos, une espèce de sanglier en voie d'extinction en Amérique centrale.
Depuis toujours, les habitants de la région chassent ces animaux vivant en troupeaux pour leur viande. Elle est à l'époque une source de nourriture non négligeable pour les villages les plus pauvres. La pratique de la chasse entre dans les mœurs et se transmet de génération en génération. Etre chasseur c'est aussi être un homme capable d'affronter les montagnes et porter une bête de 40 kg sur le dos. Et je vous parle pas de la fierté du toutou quand il rentre au village et qu'il dit à ses amis à 4 pattes, en désignant la bête : " c'est moi qui ai débusqué le troupeau, celui là a essayé de me mordre au cou, mais le fusil a été plus rapide...". En plus la viande est apparemment "très savoureuse".
A cette époque les animaux sont alors prélevés en grande quantité sans aucune gestion.
Or depuis les années 70, le pays a prit conscience de la nécessité d'une gestion de cette pratique et a interdit la chasse.
Aujourd'hui, une grande diversité de profils se dessinent : ex-chasseurs, chasseurs par plaisir, opportunistes ( si un sanglier vient devant chez lui il ne va pas se priver), chasseurs par vengeance envers l'Etat, chasseurs par tradition etc.. Leurs point commun est qu'ils sont dans l'illégalité et c'est au gardes de les surveiller.
Mon rôle dans tout ça c'est de comprendre s'il y a encore beaucoup de chasseurs et quels sont les objectifs des gens vivant dans le village.
Rancho Quemado est un village qui souhaite développer le tourisme. Nombreuses familles proposent des hébergements et/ou restauration, ainsi que diverses activités ( orpaillage traditionnel, visite des exploitations de cacao, de canne ou encore balade dans la jungle à la recherche des animaux...). Et c'est là que les conflits apparaissent car si la chasse perdure, les animaux vont disparaître et donc les touristes ne vont pas venir, or c'est aujourd'hui la seule alternative économique du village ( hormis l'unique supérette et les producteurs de palme).
Entre deux randonnées dans la jungle je me balade dans le village pour rencontrer les habitants et réaliser des entretiens sur ce sujet.
Voici quelques-une de mes expériences:
Jobel et sa "finca":
Arrivé au bout d'un chemin je rencontre un monsieur qui me dit que c'est privé et que je dois partir. Après lui avoir expliqué ma venue, il a été adorable et m'a montré toute sa ferme. Il produit de nombreux fruits (bananes, goyaves, momong, palme, caramboles) et également du manioc, du riz, des cucurbitacées, du gingembre, de la citronnelle ( photo en haut à droite). Le gros fruit à gauche est utilisé comme récipient ( coupé en deux cela donne un bol, on peut en faire une gourde etc...).
Jobel m’emmène ensuite dans la partie "forêt" de sa finca où il me montre des rainettes et des nids de colibri...
Selon Jobel, certaines personnes chassent près de chez lui et nuisent donc à son activité de "tours dans la jungle" car sans animaux, aucun intérêt pour les touristes. Il réclame une aide de l'état pour pouvoir préserver la forêt...
Jésus et sa "laguna" :
Je suis un privilégié d'avoir visité cette lagune privée car c'est une activité que Jésus propose aux touristes pour une vingtaine de dollars. Ce jour là il n'a fait que pleuvoir. Seule une petite pause m'a permit de faire cette photo... Nous avons marché dans la boue, traversé des rivières pour rejoindre sa barque avec laquelle nous avons remonté un canal jusqu'à la lagune. Martins-pécheurs et basilics (lézards qui courent sur l'eau) étaient au RDV.. ( allez voir les galeries pour plus de photos ).
Jésus est quelqu'un de très rancunier dans le village : il n'a pas confiance aux gens impliqués dans le développement touristique et il pense que les gardes passent leurs journées à roupiller. Il possède des "cabinas" pour loger les touristes et proposes diverses excursions, mais il semble vouloir faire bande à part du reste du village... Il a du bien aimer ma tête pour me dévoiler toute sa vie aussi facilement, à moins que...
Au milieu de lac, Jésus me raconte son point de vue:
il me dit que les personnes impliquées dans le développement rural sont ceux là mêmes qui chassent. Il pense que les gens n'ont pas encore changé de mentalités.
Au final chacun réalise des suppositions sur les autres personnes du village. J'apprendrais ensuite que Jobel comme Jesus sont des chasseurs réguliers. Un audit officiel de tous ces gens s'impose...
Ah oui et Jésus souhaite accueillir des volontaires (comme moi) pour passer 5 ou 6 mois à étudier les traces de jaguars et autres animaux : si vous êtes intéressés dites le moi ;)
Pour plus d'information sur ce village, son histoire et l'agriculture qui s'y développe, je vais bientôt publier un post
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